dimanche 3 août 2008

LE MOYEN ÂGE : LA RELIGION CONDAMNE LA FOLIE


LE MOYEN-AGE : LA RELIGION CONDAMNE LA FOLIE

Le christianisme s’impose avec force.

Le soin médical appartient aux religieux qui en font une affaire de charité. Soigner des âmes malades ou sauver des âmes sont deux choses très proches.

Les monastères accueillent les pauvres, les lépreux et les malades mentaux quand ils souffrent de maux physiques. Les moines cultivent des plantes, comme la jusquiame, l’ellébore, le mandragore, le safran et le lupin ; ils inventent des mixtures qu’il faut boire dans les Églises, pendant les messes, pour qu’elles soient efficaces.

L’art et le savoir médical n’étant que religieux, l’Eglise en profite pour affermir son pouvoir et sa domination.

Et la guérison de la folie ne peut passer que par la foi. On a recours à la superstition et à la démonologie pour expliquer ce que la science ne comprend pas. Le traitement des troubles mentaux se tourne alors vers l’exorcisme ; c’est un rite contre l’esprit mauvais, une conjuration du démon qui s’est emparé d’une âme malade. Il représente aussi une punition dans le sens où la folie est assimilée à une faute.

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LES CINQ PREMIERS SIECLES DU MOYEN-ÂGE

-La place du fou :

Durant les cinq premiers siècles du moyen âge, la folie est assez bien tolérée. On enferme peu, on exclut pas. La notion de collectivité reste importante ; les malades mentaux sont acceptés et pris en charge par sécurité et par charité chrétienne. Seuls les plus dangereux sont enchaînés à domicile ou dans des prisons, quand les familles peuvent payer la pension.

Mais en général, même si on pense qu’il renferme le diable, le fou n’est pas condamné ni refusé par la communauté.

Il est l’ « innocent », le pauvre d’esprit auquel le Christ a promis le Royaume des Cieux. C’est un personnage indispensable, car, grâce à lui, on peut faire oeuvre de charité.
Même les papes, à cette époque-là, se sont fait appeler « Innocents ».

La folie, qui conserve son droit de cité, n’appelle pas un soin médical ; sa guérison passe par des exorcismes ou est abandonnée à l’intercession des saints guérisseurs. Seul un saint peut être capable de venir à bout du diable qui habite le corps de ces innocents.
Et les saints guérisseurs de folie sont nombreux au Moyen âge :

St Avertin guérit les vertiges, St Léonard l’épilepsie, St Guy les tremblements imputables au diable, St Valentin les convulsions, etc...

La folie occupe l’espace social et passe dans le folklore.
La fête de la naissance du Christ, au mois de décembre, sort peu à peu de l’Église pour se répandre dans la rue. Elle devient un divertissement populaire où le plus démuni, le plus innocent est reconnu et proclamé roi de la fête.
Et le fou y trouve sa place puisque justement il est cet innocent.
Sa folie est utilisée comme satire morale, raillerie du luxe et de la puissance.

Dans ces jours de liesse populaire, il n’y a plus d’interdit, plus de loi. Alors s’ensuivent ripailles, comportements licencieux et excès en tout genre.
Le fou y gagne en importance sociale. Et c’est ainsi qu’on le retrouve s’installant dans les rangs du pouvoir et jouissant de nombreux privilèges. Chaque seigneur en accueille un à sa cour.

Le Roi Philippe V crée un poste de « fol en titre d’office », dont la fonction justifie le port d’un uniforme: une tunique coupée de travers, des grelots, un bonnet aux oreilles d’âne, une épée de bois et une marotte à tête de folle à la fois sceptre dérisoire et symbole phallique ( elle donnera lieu à l’expression : « avoir une marotte », c’est-à-dire un grain de folie ).

Le souverain trouve dans le fou un véritable complice, qui n’est ni un valet, ni un serviteur, mais celui qui peut oser dire, sans crainte et sans pudeur, à travers ses mimes et ses drôleries, ce que le lourd conformisme religieux interdit. Et le fou du Roi peut profiter de son impunité, sachant que l’on ne condamnera pas un « innocent ».

Thévenin sous Charles V, Triboulet sous François I er, Mathurine sous Henri IV ou Angély sous Louis XIV ont occupé ce poste.

Ces personnages ne sont jamais des fous furieux. Ils présentent parfois, à cause d’une personnalité pathologique, des images atténuées, comiques ou familières de la folie. Mais souvent, ce sont aussi d’habiles simulateurs.

Ce début du moyen âge est donc une période assez controversée, puisque la folie, pourtant rangée du côté de la possession démoniaque par l’Eglise, parvient malgré tout à se faire une place au pouvoir et à le ridiculiser.

-L’apport des philosophes à la psychologie :

Quelques philosophes d’obédience chrétienne vont, sans contredire les affirmations de l’Eglise, tenter d’apporter une explication psychologique à la folie.Ils s’en réfèrent à la sagesse et au discernement des penseurs Grecs. La foi et la morale conservent des affinités, et la maladie de l’âme est encore le point de rencontre du discours religieux et du discours philosophique.

St Augustin :

Il développe une théorie de la « conscience de soi ». Selon lui, la vérité de l’homme est à rechercher dans son âme, et non pas dans le savoir et la science.

Ses « Confessions » font penser au « connais-toi toi-même » de Socrate. L’introspection autobiographique, utilisée comme auto-analyse, s’avère être un instrument de connaissance psychologique de l’âme. La vérité révélée est thérapeutique puisqu’elle permet une prise de conscience intérieure, une meilleure compréhension de la nature humaine et des comportements : l’âme est parfois la proie de la folie lorsqu’elle est débordée par des troubles intérieurs faits d’angoisses, de pulsions, de conflits ou de sentiments.

St Augustin fut ainsi le précurseur de la psychanalyse.

St Thomas :

Comme Aristote, il refuse la vieille dualité formelle de l’âme et du corps. Pour lui, il y a une interaction constante entre les deux, comme entre l’amour et la haine.

Et lorsque l’âme n’est plus en mesure d’assurer la maîtrise des passions, elle sombre dans la déraison.
Les affections, les émotions, les sentiments peuvent donc entraîner la folie.
Et c’est ainsi que l’amour se retrouve promu, pour un temps, au rang des maladies mentales, aux côtés de la manie, de la mélancolie ou de la lycanthropie.

-Les premiers hôpitaux, les premières Écoles de médecine :

C’est en 1409, qu’apparaît le premier hôpital pour malades mentaux en Europe. Il est situé à Valence en Espagne.

On sait qu’il en existait déjà d’autres dans les pays arabes, notamment à Fès au Maroc, à Bagdad (vers 700) ou au Caire (800) .

En France, les premiers hôpitaux généraux, construits à Lyon en542, à Paris en 652 (Hôtel Dieu) , ne s’occupent que des maux physiques. La maladie mentale reste toujours l’affaire des ecclésiastiques.

Deux Écoles de médecine voient le jour au Moyen âge :

Celle de Salerne, en Italie, qui, bien que s’écartant des thérapeutiques religieuses et des superstitions, ne laisse pas de place à la psychologie. La maladie mentale reste considérée comme une maladie organique dans laquelle le cerveau est désigné comme principal responsable. On y découvre, par exemple, que certains abcès des ventricules cérébraux peuvent donner des psychoses que l’on soigne par des saignées et des régimes diététiques.

Celle de Montpellier, qui ne s’affranchit guère du dogmatisme religieux, comme en témoigne le traitement suivant, prescrit par le Dr Villeneuve, pour la manie :

« Perforer le crâne pour que la matière morbifique puisse passer à l’extérieur ». On pense ainsi évacuer les vapeurs nocives et les démons.

La théologie domine donc toute la pensée médicale, qui s’en tient à l’observance des principes spirituels et des explications religieuses. Dès qu’un médecin s’aventure à défendre d’autres thèses, il prend le risque d’être condamné comme hérétique.

La folie est rattachée au démon, ou à une force extérieure indépendante de l’être humain, telle que l’influence néfaste d’un astre par exemple. C’est ainsi qu’est apparu le terme de « lunatique ». En Angleterre, le « Lunatic Asylum » désignera les institutions spécialisées pour recevoir les aliénés.

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LES TROIS DERNIERS SIECLES DU MOYEN ÂGE

-Les sorcières et les fous sont désignés coupables :

Si les cinq premiers siècles du Moyen âge ont assez bien toléré la folie, les trois derniers la bannissent, la condamnent et la persécutent en la rangeant définitivement du côté du péché, de la faute, de la sorcellerie et du démon.

La France, à cette époque, entre dans une période de crise. La guerre avec l’Angleterre ruine le pays. La famine, le manque d’hygiène, des intempéries importantes amènent des Épidémies. Les pouvoirs de l’Eglise sont déstabilisés par les débuts de la Réforme et par différents scandales qui éclatent dans les monastères et les couvents (débauches et orgies) .

La monarchie, quant à elle, est dangereusement mise en péril, par la folie de Charles VI.

Cette période de récession économique et d’insécurité entraîne, comme toute période de crise, des réactions de peur. Et, pour se protéger, on effectue un retour vers des modes de pensée et de comportement plus rassurants parce que déjà éprouvés par le passé.

L’Eglise et les seigneurs, qui craignent pour leur pouvoir, s’unissent pour se défendre. Et, faute de trouver des remèdes au mal, ils vont chercher des coupables.
Par habitude, on dénonce les juifs, mais ce n’est pas suffisant.
Ce qu’il faut, pour rétablir l’ordre monarchique et religieux, c’est combattre l’infamie et l’incroyance. La misère du peuple trouve son explication : c’est une punition divine contre les péchés.

Il faut donc faire acte de foi, lutter contre l’hérésie, réaffirmer les lois de l’Eglise.

-Le « Malleus Malleficarum » : le « marteau des sorcières »:

L’Inquisition est crée en 1199 par le pape Innocent III. Des tribunaux ecclésiastiques nommés pour juger les hérétiques, utilisent un manuel, le « Malleus » (1487), de Kramer et Spencer, qui désigne les coupables : les sorcières et les possédés :

« Quand on ne peut trouver aucun remède à une maladie,c’est que cette maladie est causée par le diable ».

« Toute maladie inconnue et incompréhensible est digne de sorcellerie et toute sorcellerie vient des désirs charnels qui sont insatiables chez les femmes ».

« La femme est un temple bâti sur un égout ».

Les femmes ont le pouvoir d’exciter les passions ; elles ont le diable au corps, elles sont possédées. Chasser le mal revient à chasser la femme qui l’incarne. Les fous, et surtout les folles, se sont trouvés pris au piège de la chasse aux sorcières, étant eux aussi désignés comme des possédés. Folie et sorcellerie sont toutes deux affaires de diable et doivent subir les même châtiments.

Des bûchers s’allumeront alors dans toute l’Europe, jusqu’au XVI e siècle. Le pape Alphonse V déclarera :

« Les sorcières renient Dieu, jurent par le démon, lui vouent des enfants et les sacrifient ».

Et Ronsard dira aussi :

« Les démons sont dans l’air, participants de Dieu comme immortels, des hommes comme animés de passion. Ils aiment, craignent et dédaignent et même veulent concevoir ».

C’est le mythe de l’union charnelle avec Satan.

Pendant toute la longue période du Moyen âge, la folie trouve sa parenté avec la sorcellerie, la démonologie, la superstition dont elle aura bien du mal à s’affranchir par la suite.

Même plus tard, lorsqu’il sera appelé « malade », le fou en conservera les stigmates qui, publiquement, le condamneront dans sa différence.

Si le Malleus fut cette bible du chasseur de sorcière qui énumérait les signes permettant de reconnaître les possédés, aujourd’hui, les médecins ont à leur disposition un DSM (manuel de diagnostic en santé mentale) qui , donnant la liste des symptômes anormaux, permet d’identifier le fou sans se tromper .

1 commentaire:

Laure a dit…

Bonjour, j'ai un travail à faire sur la folie et votre article m'est apparut très intéressant. Serait il possible de connaître vos sources s'il vous plait ?